
Nanaqui, Broyart/Richard, éditions Glénat, à paraître le 18 septembre 2019
Dès qu’il s’agit d’un travail important, ce n’est pas propre à l’écriture d’ailleurs, applicable à bien d’autres domaines et pas seulement aux domaines artistiques… Dès qu’il s’agit d’un travail important, on met un moment à tourner autour du pot. On a la sensation que rien n’avance mais on élabore, sans que rien ne sorte, des tonnes d’hypothèses. Au quotidien, la sensation n’est pas toujours facile à vivre parce que soi-même, on a des difficultés à se prétendre en train de travailler. Mais cette maturation avant de plonger est indispensable, nourrit tout ce qui va venir. Dans ce nouveau roman graphique qui va nous occuper avec Laurent Richard, tissé autour des Chants de Maldoror, ou plutôt autour de la vie d’un ado et de son rapport à ces terribles chants, le temps est venu de plonger. Très différent du travail réalisé sur Antonin Artaud. Pour Nanaqui, qui paraîtra le 18 septembre chez Glénat, ce travail non productif, cette sensation de ne pas avancer était justifiée par des milliers de pages de documents à digérer, biographiques autant qu’épistolaires. L’œuvre d’Artaud bien sûr et ses périphéries aussi, larges et passionnantes. Dans ce nouveau roman graphique qui va nous occuper avec Laurent Richard, tissé autour des Chants de Maldoror, tout est différent. Je dois travailler avec d’autres outils, notamment créer des documents qui seront intégrés en totalité ou pas aux pages du scénario que Laurent dessinera. J’ai donc acheté un carnet pour que Martin, l’ado dont il sera question, en fasse son journal. Morceaux de textes écrits avec rage, images poétiques proches des Chants de Maldoror, malaises, bribes de paroles de chansons… Un tout petit extrait ici. Écrire comme le sang vient dans la veine, sans trop reprendre. Trouver ce que sera la voix de Martin.
Et pourquoi finalement, à quoi bon se tenir debout quand on peut chuter avec délice, se fracasser la tête sans trop de faille, sans trop laisser de sang. Pourquoi se redresser alors ? Il est si bon de se laisser descendre, fondre dans la flaque. Un pied dedans juste et je disparais. Prendre des vacances de soi-même enfin. Ne plus se tordre les méninges. Se débarrasser des croûtes qui lestent.
J’ai fini de tourner autour. Je suis entré dans le dur. Les trois premières planches sont découpées. La vie de Martin peut commencer…