En 2016, répondant à l’invitation de Séverine Vidal et Manu Causse, j’ai participé au recueil 16 nuances de première fois (paru aux éditions Eyrolles en 2017) consacré… aux premières fois. Je ne sais pas si ce recueil destiné aux ados est toujours disponible. En tout cas, vous trouverez ci-après ma contribution, Dr Jekyll, Mr. Hyde et moi. Bonne lecture.
« La chair est triste, hélas ! Et j’ai lu tous les livres. » Je n’arrête pas de penser à ce vers de Mallarmé que la prof nous a lu en classe. Tous des loosers, les poètes. Enfin, la plupart, c’est certain. Des exemples, on en trouve des tonnes, chez Baudelaire, Desnos. Tous démontés à l’idée d’adresser la parole à la femme de leur vie ! Heureusement, c’est mieux pour certains : Aragon dingue d’Elsa ou Apollinaire déclarant sa flamme à Lou :
« Tes seins ont le goût pâle des kakis et des figues de Barbarie
Hanches fruits confits je les aime ma chérie. »
« La chair est triste, hélas ! » et tous les livres, je suis loin de les avoir lus. Même si on me prend pour un intello. Heureusement que je n’ai pas de lunettes.
Ma première fois, ce sera comme dans les livres. Comme dans les poèmes quand ça marche. Je suivrai alors les pas d’Aragon ou d’Apollinaire. Les seins qu’on croque comme des figues, les hanches aussi… et les fruits confits. Pour l’instant, je ne fais pas un seul pas vers Julie. J’ai peur du râteau. Je suis quand même sur la liste des invités pour sa fête. Max pense que j’ai de la chance et il a raison. Il aimerait être à ma place. Je ne suis pas le seul invité mais tout n’est pas perdu d’avance avec Julie. J’ai mes chances ? Rien n’existe vraiment entre nous. C’est juste le début d’un film que je me fais tout seul à mon avis. Quand Julie m’a tendu l’invitation pour sa soirée, j’ai eu super chaud. Les oreilles rouges. Je lui ai fait un sourire de débile. Et j’ai pué la sueur tout le reste de la journée.
Ma première fois comme dans les poèmes, bien sûr… Et d’un autre côté, ces derniers temps, à la moindre occasion, je ne pense pas à Julie du tout. Ou pas seulement. C’est confus. Mr. Hyde se réveille. En bas de mon ventre. Je ferme la porte de ma chambre. Je me précipite sur mon portable, je me cale sur un site bien hard et je sors mon paquet de Kleenex. C’est de pire en pire. J’ai honte de le dire, mais parfois j’en suis réduit à ça plusieurs fois par jour. Je me dégoûte à un point ! Les poètes, il y a cent cinquante ans, ils faisaient comment ? Parce qu’à leur époque Internet n’existait pas. Les mouchoirs en papier non plus mais bon… Des films, il suffit de fermer les yeux pour s’en faire. Oui, mais la différence, c’est peut-être les images qu’on balance aujourd’hui. À leur époque, c’était sûrement moins trash. Aucun type pour répéter des « Tu aimes ça, hein ? Tu aimes ça, hein ? Tu aimes ça, hein? ». C’est pas des mots de poètes. Je dois faire quoi de tout ce qui m’arrive ? Et dans la vraie vie, faire l’amour, c’est comment ?
Je crois que j’ai un gros problème d’hormones. Le bas de mon ventre est comme un volcan en suractivité du matin au soir. Il a envie d’exploser en permanence. Les hormones, c’est M. Nicrot, mon prof de sport, qui m’a mis sur la voie. Quand on s’échauffe, il tient à ce que ça dure longtemps. Il n’y a pas de secret. Si on ne veut pas se fouler quelque chose. Au début de l’année, il y en avait toujours un pour lancer une vanne à ce moment-là : « Plus c’est long, plus c’est bon. » Alors qu’il prend ça au sérieux, M. Nicrot, les échauffements. Il a trouvé un truc imparable pour que les gros lourds ne l’ouvrent plus. Il a regardé la classe en disant : « Ça leur passera, c’est les hormones. » L’effet a été miraculeux. Du jour au lendemain, plus personne ne l’a ramenée. Quand on s’échauffe en sport, maintenant, on entend toutes les mouches voler. Finalement, ça m’arrange bien. J’ai un peu moins honte du Mr. Hyde qui prend parfois possession de mon corps. Un peu moins honte de celui qui se précipite sur le portable, ou du même qui a la langue pendante quand la prof de maths met son chemisier blanc. On voit le bout de ses seins pointer à travers. Pas facile tous les jours, quand même.
La fête de Julie, c’est ce soir. Je me prépare devant le miroir. Sweat et tee-shirt noirs, jean noir, Docs noires. La tenue du parfait corbeau ténébreux. Celle de Rimbaud, Baudelaire sans doute. Celle des tristes et des révoltés. Celle du Maldoror de Lautréamont.
Quand j’arrive chez Julie, ce n’est pas elle qui m’ouvre la porte. C’est Carole, sa grande sœur. Où est passée Julie ? Je l’aperçois bientôt et je pense illico que ma soirée est ruinée. Elle discute avec un type que je n’ai jamais vu. Il est très près d’elle. J’ai envie de tout planter là. J’ai le seum. Mais je me glisse finalement parmi les invités. Tant pis pour Julie. Je me suis sans doute monté la tête. Je me trouve une ou deux connaissances avec lesquelles je peux engager des conversations. Je passe le temps. La plupart des filles ont mis des tenues hyper moulantes. Mais de toute façon, même un pull informe me paraîtrait sexy. Certaines me regardent parfois. Je sens alors Hyde qui frappe à la porte de mon cerveau. Je lutte pour que les figues et les fruits confits des poètes ne disparaissent pas complètement. Je suis un être de désir mais un être civilisé.
Et dix minutes plus tard, tout bascule. Carole s’approche de moi. Je me demande ce qu’elle fait là, au milieu d’ados qui ont tous deux ans de moins qu’elle. Elle me sourit.
– On s’est déjà vus, non ?
J’ai presque le réflexe de regarder derrière moi pour voir si elle ne s’adresse pas à quelqu’un d’autre. Je réponds à sa question par une pauvre vanne.
– Oui, il y a un quart d’heure. C’est toi qui m’as ouvert la porte.
J’ai la sensation de rêver. Carole est en train de m’allumer. Je pense « C’est quoi ce drôle de plan ? » J’ai peur de tomber de haut et de me payer la honte de ma vie. J’essaie de me rattraper.
– Je déconne. Oui, sûrement au lycée. Quand tu viens chercher Julie en voiture.
Carole m’impressionne. Même plus que ça. Elle a des jambes à n’en plus finir. Mr. Hyde, couché s’il te plaît, allez ! Apparemment, mon sens de l’humour douteux ne lui déplaît pas. Elle poursuit.
– Je t’offre un verre.
Je ne sais pas quelle attitude adopter, alors je me laisse faire. J’ai super envie de l’embrasser. Et si elle me propose d’aller plus loin avec elle, je fais quoi ? Puisque j’en crève, parfois, de ce problème d’hormones…
En fait, je vais me réveiller et dégringoler à la cave. Plus bas même. Certains copains de Julie ont proposé à la grande sœur de me chauffer comme ça, pour voir. C’est quoi la réaction d’un intello ? Elle va me dire dans cinq minutes : « Mais tu y as vraiment cru ? » Elle va ricaner et je ne saurai plus où me mettre.
Carole revient du bar, deux verres dans les mains. Elle m’en tend un. On s’assoit sur le canapé. Je suis pétrifié. En même temps, forcément, j’ai les hormones qui travaillent, le bas du ventre qui commence à bouillir, la sensation que si elle me frôle, je vais exploser.
Autour de nous, les autres ne font pas attention. Comme si on avait disparu. Je la sens de plus en plus proche de moi. Sa cuisse touche la mienne. Et là, je n’ai bientôt plus aucun doute. Et je m’en fous d’ailleurs. Elle vient de me prendre la main. Qu’est-ce qui lui plaît chez moi ? Mon costume de corbeau ? Le côté mystérieux que je cultive.
Ni Jekyll ni Hyde ne sont plus avec moi. Envolés ces deux-là. Qu’est-ce qui reste ? Juste une vague de désir, forte et irrépressible. Quelque chose que je ne connaissais pas. J’hésite. Je devrais partir je crois. Ma première fois, je ne l’imaginais pas comme ça. En même temps, Carole est contre moi. Je ne veux pas que ça s’arrête. Je ne pense à rien de chelou. Les images du Net sont loin. Il y a son sourire, ses lèvres rouges, son visage. Elle vient de m’embrasser. J’ai senti ses seins contre ma poitrine.
Quelques minutes plus tard, elle me prend par la main et elle m’entraîne loin du salon. Je continue de rêver. Carole m’emmène dans sa chambre. J’ai peur. Je risque d’être pitoyable. Je n’ai jamais vu une fille nue en vrai.
On est bientôt rien que tous les deux. Elle a refermé la porte derrière nous. Je n’ai pas le temps de réfléchir. Carole me tourne le dos et se déshabille avant de se glisser dans le lit.
– Tu viens ?
Elle dit ça naturellement. Je ne l’ai jamais fait. Je ne suis pas prêt. Je ne dis rien parce qu’autrement j’alignerais les banalités et je passerais pour un crétin. Je me retourne et je me déshabille. Je m’approche du lit. Je me sens vraiment débile avec mon truc tout gonflé qui me précède. C’est impossible à cacher, tout le désir que j’ai pour elle. Carole m’attend. Elle ouvre la couette et, l’instant d’après, je suis contre elle. Depuis le début, elle a le contrôle de la situation et je me sens tellement naze que je ne sais pas quoi faire. Mon sexe est dur contre sa jambe. On s’embrasse. Sa bouche a un goût extraordinaire. Le goût d’un fruit qui n’existe pas. Des baisers, j’en ai donné. Mais là, j’ai un corps de femme dans les bras. Une peau qui n’est pas la mienne contre la mienne. Avec ma main, je caresse le bout d’un de ses seins. La pointe se dresse. Je crois qu’elle apprécie. Elle vient de fermer les yeux. J’ai les images du Net qui reviennent polluer ma tête. Là, elle devrait déjà me dire des choses salaces et elle s’apprêterait à me faire une fellation. Oui, mais je suis sûr que ça ne se passera pas comme ça.
Carole s’est redressée. Elle a pris un préservatif dans une boîte sur sa table de chevet. Elle me le tend. J’en déduis que c’est le moment. Je déchire la pochette, j’enfile la capote et je le glisse sur elle. Carole me dit :
– Pas si vite, s’il te plaît. J’ai envie que tu me caresses.
Je crois qu’elle sait, Carole, que c’est ma première fois. Elle prend ma main et la pose entre ses cuisses. Elle me guide pour que je la touche au bon endroit. En haut de son sexe. Ses lèvres sont humides et chaudes. Douces. J’entends son souffle accélérer. Je n’ose pas appuyer. Je tourne un peu maladroitement d’abord puis, sous mes doigts, je sens son clitoris qui grandit. Quelques minutes encore à la caresser et j’entre en elle. J’aimerais qu’on reste des heures comme ça mais je jouis rapidement. Carole ne dit rien. Je suis si bien. Là. Rien d’autre. Peau contre peau. J’aimerais mourir mourir maintenant. Elle me retient longtemps dans ses bras.
J’ai fait l’amour. Je n’ai pas honte. La chair n’est pas triste. C’était bon. Je sais que Carole et moi, ça va s’arrêter là. Juste le désir à un moment. Quelque chose d’énorme qui monte. Une grande vague. Nos deux corps pour une seule fois. Carole. Ma première fois.
Je me rhabille et je sors bientôt de la chambre. Je suis incapable de lui parler. Je quitte la fête aussi. Je n’ai pas la tête à m’amuser. Je me sens un peu bizarre. J’ai besoin de marcher longtemps dans la nuit. J’ai envie de pleurer presque. J’ai envie de me perdre, de ne plus jamais rentrer à la maison. Juste marcher longtemps dans la nuit.
p { margin-bottom: 0.25cm; line-height: 120% } « La chair est triste, hélas ! Et j’ai lu tous les livres. » Je n’arrête pas de penser à ce vers de Mallarmé que la prof nous a lu en classe. Tous des loosers, les poètes. Enfin, la plupart, c’est certain. Des exemples, on en trouve des tonnes, chez Baudelaire, Desnos. Tous démontés à l’idée d’adresser la parole à la femme de leur vie ! Heureusement, c’est mieux pour certains : Aragon dingue d’Elsa ou Apollinaire déclarant sa flamme à Lou : « Tes seins ont le goût pâle des kakis et des figues de Barbarie Hanches fruits confits je les aime ma chérie. » « La chair est triste, hélas ! » et tous les livres, je suis loin de les avoir lus. Même si on me prend pour un intello. Heureusement que je n’ai pas de lunettes. Ma première fois, ce sera comme dans les livres. Comme dans les poèmes quand ça marche. Je suivrai alors les pas d’Aragon ou d’Apollinaire. Les seins qu’on croque comme des figues, les hanches aussi… et les fruit confits. Pour l’instant, je ne fais pas un seul pas vers Julie. J’ai peur du râteau. Je suis quand même sur la liste des invités pour sa fête. Max pense que j’ai de la chance et il a raison. Il aimerait être à ma place. Je ne suis pas le seul invité mais tout n’est pas perdu d’avance avec Julie. J’ai mes chances ? Rien n’existe vraiment entre nous. C’est juste le début d’un film que je me fais tout seul à mon avis. Quand Julie m’a tendu l’invitation pour sa soirée, j’ai eu super chaud. Les oreilles rouges. Je lui ai fait un sourire de débile. Et j’ai pué la sueur tout le reste de la journée. Ma première fois comme dans les poèmes, bien sûr… Et d’un autre côté, ces derniers temps, à la moindre occasion, je ne pense pas à Julie du tout. Ou pas seulement. C’est confus. Mr. Hyde se réveille. En bas de mon ventre. Je ferme la porte de ma chambre. Je me précipite sur mon portable, je me cale sur un site bien hard et je sors mon paquet de Kleenex. C’est de pire en pire. J’ai honte de le dire, mais parfois j’en suis réduit à ça plusieurs fois par jour. Je me dégoûte à un point ! Les poètes, il y a cent cinquante ans, ils faisaient comment ? Parce qu’à leur époque Internet n’existait pas. Les mouchoirs en papier non plus mais bon… Des films, il suffit de fermer les yeux pour s’en faire. Oui, mais la différence, c’est peut-être les images qu’on balance aujourd’hui. À leur époque, c’était sûrement moins trash. Aucun type pour répéter des « Tu aimes ça, hein ? Tu aimes ça, hein ? Tu aimes ça, hein? ». C’est pas des mots de poètes. Je dois faire quoi de tout ce qui m’arrive ? Et dans la vraie vie, faire l’amour, c’est comment ? Je crois que j’ai un gros problème d’hormones. Le bas de mon ventre est comme un volcan en suractivité du matin au soir. Il a envie d’exploser en permanence. Les hormones, c’est M. Nicrot, mon prof de sport, qui m’a mis sur la voie. Quand on s’échauffe, il tient à ce que ça dure longtemps. Il n’y a pas de secret. Si on ne veut pas se fouler quelque chose. Au début de l’année, il y en avait toujours un pour lancer une vanne à ce moment-là : « Plus c’est long, plus c’est bon. » Alors qu’il prend ça au sérieux, M. Nicrot, les échauffements. Il a trouvé un truc imparable pour que les gros lourds ne l’ouvrent plus. Il a regardé la classe en disant : « Ça leur passera, c’est les hormones. » L’effet a été miraculeux. Du jour au lendemain, plus personne ne l’a ramenée. Quand on s’échauffe en sport, maintenant, on entend toutes les mouches voler. Finalement, ça m’arrange bien. J’ai un peu moins honte du Mr. Hyde qui prend parfois possession de mon corps. Un peu moins honte de celui qui se précipite sur le portable, ou du même qui a la langue pendante quand la prof de maths met son chemisier blanc. On voit le bout de ses seins pointer à travers. Pas facile tous les jours, quand même. La fête de Julie, c’est ce soir. Je me prépare devant le miroir. Sweat et tee-shirt noirs, jean noir, Docs noires. La tenue du parfait corbeau ténébreux. Celle de Rimbaud, Baudelaire sans doute. Celle des tristes et des révoltés. Celle du Maldoror de Lautréamont. Quand j’arrive chez Julie, ce n’est pas elle qui m’ouvre la porte. C’est Carole, sa grande sœur. Où est passée Julie ? Je l’aperçois bientôt et je pense illico que ma soirée est ruinée. Elle discute avec un type que je n’ai jamais vu. Il est très près d’elle. J’ai envie de tout planter là. J’ai le seum. Mais je me glisse finalement parmi les invités. Tant pis pour Julie. Je me suis sans doute monté la tête. Je me trouve une ou deux connaissances avec lesquelles je peux engager des conversations. Je passe le temps. La plupart des filles ont mis des tenues hyper moulantes. Mais de toute façon, même un pull informe me paraîtrait sexy. Certaines me regardent parfois. Je sens alors Hyde qui frappe à la porte de mon cerveau. Je lutte pour que les figues et les fruits confits des poètes ne disparaissent pas complètement. Je suis un être de désir mais un être civilisé. Et dix minutes plus tard, tout bascule. Carole s’approche de moi. Je me demande ce qu’elle fait là, au milieu d’ados qui ont tous deux ans de moins qu’elle. Elle me sourit. – On s’est déjà vus, non ? J’ai presque le réflexe de regarder derrière moi pour voir si elle ne s’adresse pas à quelqu’un d’autre. Je réponds à sa question par une pauvre vanne. – Oui, il y a un quart d’heure. C’est toi qui m’as ouvert la porte. J’ai la sensation de rêver. Carole est en train de m’allumer. Je pense « C’est quoi ce drôle de plan ? » J’ai peur de tomber de haut et de me payer la honte de ma vie. J’essaie de me rattraper. – Je déconne. Oui, sûrement au lycée. Quand tu viens chercher Julie en voiture. Carole m’impressionne. Même plus que ça. Elle a des jambes à n’en plus finir. Mr. Hyde, couché s’il te plaît, allez ! Apparemment, mon sens de l’humour douteux ne lui déplaît pas. Elle poursuit. – Je t’offre un verre. Je ne sais pas quelle attitude adopter, alors je me laisse faire. J’ai super envie de l’embrasser. Et si elle me propose d’aller plus loin avec elle, je fais quoi ? Puisque j’en crève, parfois, de ce problème d’hormones… En fait, je vais me réveiller et dégringoler à la cave. Plus bas même. Certains copains de Julie ont proposé à la grande sœur de me chauffer comme ça, pour voir. C’est quoi la réaction d’un intello ? Elle va me dire dans cinq minutes : « Mais tu y as vraiment cru ? » Elle va ricaner et je ne saurai plus où me mettre. Carole revient du bar, deux verres dans les mains. Elle m’en tend un. On s’assoit sur le canapé. Je suis pétrifié. En même temps, forcément, j’ai les hormones qui travaillent, le bas du ventre qui commence à bouillir, la sensation que si elle me frôle, je vais exploser. Autour de nous, les autres ne font pas attention. Comme si on avait disparu. Je la sens de plus en plus proche de moi. Sa cuisse touche la mienne. Et là, je n’ai bientôt plus aucun doute. Et je m’en fous d’ailleurs. Elle vient de me prendre la main. Qu’est-ce qui lui plaît chez moi ? Mon costume de corbeau ? Le côté mystérieux que je cultive. Ni Jekyll ni Hyde ne sont plus avec moi. Envolés ces deux-là. Qu’est-ce qui reste ? Juste une vague de désir, forte et irrépressible. Quelque chose que je ne connaissais pas. J’hésite. Je devrais partir je crois. Ma première fois, je ne l’imaginais pas comme ça. En même temps, Carole est contre moi. Je ne veux pas que ça s’arrête. Je ne pense à rien de chelou. Les images du Net sont loin. Il y a son sourire, ses lèvres rouges, son visage. Elle vient de m’embrasser. J’ai senti ses seins contre ma poitrine. Quelques minutes plus tard, elle me prend par la main et elle m’entraîne loin du salon. Je continue de rêver. Carole m’emmène dans sa chambre. J’ai peur. Je risque d’être pitoyable. Je n’ai jamais vu une fille nue en vrai. On est bientôt rien que tous les deux. Elle a refermé la porte derrière nous. Je n’ai pas le temps de réfléchir. Carole me tourne le dos et se déshabille avant de se glisser dans le lit. – Tu viens ? Elle dit ça naturellement. Je ne l’ai jamais fait. Je ne suis pas prêt. Je ne dis rien parce qu’autrement j’alignerais les banalités et je passerais pour un crétin. Je me retourne et je me déshabille. Je m’approche du lit. Je me sens vraiment débile avec mon truc tout gonflé qui me précède. C’est impossible à cacher, tout le désir que j’ai pour elle. Carole m’attend. Elle ouvre la couette et, l’instant d’après, je suis contre elle. Depuis le début, elle a le contrôle de la situation et je me sens tellement naze que je ne sais pas quoi faire. Mon sexe est dur contre sa jambe. On s’embrasse. Sa bouche a un goût extraordinaire. Le goût d’un fruit qui n’existe pas. Des baisers, j’en ai donné. Mais là, j’ai un corps de femme dans les bras. Une peau qui n’est pas la mienne contre la mienne. Avec ma main, je caresse le bout d’un de ses seins. La pointe se dresse. Je crois qu’elle apprécie. Elle vient de fermer les yeux. J’ai les images du Net qui reviennent polluer ma tête. Là, elle devrait déjà me dire des choses salaces et elle s’apprêterait à me faire une fellation. Oui, mais je suis sûr que ça ne se passera pas comme ça. Carole s’est redressée. Elle a pris un préservatif dans une boîte sur sa table de chevet. Elle me le tend. J’en déduis que c’est le moment. Je déchire la pochette, j’enfile la capote et je le glisse sur elle. Carole me dit : – Pas si vite, s’il te plaît. J’ai envie que tu me caresses. Je crois qu’elle sait, Carole, que c’est ma première fois. Elle prend ma main et la pose entre ses cuisses. Elle me guide pour que je la touche au bon endroit. En haut de son sexe. Ses lèvres sont humides et chaudes. Douces. J’entends son souffle accélérer. Je n’ose pas appuyer. Je tourne un peu maladroitement d’abord puis, sous mes doigts, je sens son clitoris qui grandit. Quelques minutes encore à la caresser et j’entre en elle. J’aimerais qu’on reste des heures comme ça mais je jouis rapidement. Carole ne dit rien. Je suis si bien. Là. Rien d’autre. Peau contre peau. J’aimerais mourir mourir maintenant. Elle me retient longtemps dans ses bras. J’ai fait l’amour. Je n’ai pas honte. La chair n’est pas triste. C’était bon. Je sais que Carole et moi, ça va s’arrêter là. Juste le désir à un moment. Quelque chose d’énorme qui monte. Une grande vague. Nos deux corps pour une seule fois. Carole. Ma première fois. Je me rhabille et je sors bientôt de la chambre. Je suis incapable de lui parler. Je quitte la fête aussi. Je n’ai pas la tête à m’amuser. Je me sens un peu bizarre. J’ai besoin de marcher longtemps dans la nuit. J’ai envie de pleurer presque. J’ai envie de me perdre, de ne plus jamais rentrer à la maison. Juste marcher longtemps dans la nuit.
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