
Laurent Richard : Rough pour la couverture de Nanaqui, à paraître en septembre 2019 chez Glénat
Ce qu’il y a de colère, oui mais comment pourrait-il en être autrement ? De voir avec quel mépris ils continuent à tout saborder, à renier le peu de promesses qu’ils avaient faites, même si elles ne devaient pas remettre en cause un système déjà bien rodé. Peut-être même aller vers une radicalisation de ce système, et ce qui choque plus encore, avancer dorénavant sans complexe. Les premiers de cordée se sentent légitimes quand ils écrasent tout. La terre sur laquelle nous marchons, les arbres que nous contemplons, les oiseaux qui chantent, les abeilles qui bourdonnent ne semblent avoir aucune importance. On peut tout sacrifier à l’économie du vieux monde. Et personne ne se dresserait, personne ne dirait rien ? Alors que de toutes parts, ça commence à craquer. La banquise se déchire. Ce qu’il y a de colère. Légitimer des actes immondes, des violences qui crèvent des yeux, arrachent des mains. Sur-communiquer sur le reste, tout surjouer, avec un simulacre de grand débat, lui parcourant la France du matin au soir en donnant du mes enfants, du open bar à qui veut l’entendre, souhaitant sonner moderne alors qu’il transpire de vulgarité. Et de lâcher quelques miettes pour les chiens que nous sommes, parfois, afin de calmer les plus échauffés d’entre nous. Ce qu’il y a de colère. Peu probable cette fois-ci qu’elle retombe sans qu’ils ne lâchent de gros morceaux. Mais pour autant, ils sont là depuis si longtemps déjà. Vous nous avez donné les clés. Faites-nous confiance. Ne vous inquiétez pas. Nous savons. Nous nous sommes mal fait comprendre. Ou peut-être n’avez-vous pas les capacités de nous comprendre. Ce qu’il y a de colère. Il est plus qu’urgent de faire entendre les vraies détresses, de tordre le cou aux pires abus. La liste à abattre est si longue. Ici, des pesticides de synthèse aux ponts d’or faits aux chasseurs, survivances aux nez écarlates du vieux monde, des entreprises richissimes qui ne paient pas l’impôt ou trouvent finalement de petits arrangements avec l’État, des masculinistes infâmes qui se plaignent alors qu’il reste tant à faire pour espérer une vraie égalité de sexes, des horribles qui scandent un papa une maman et ne comprennent rien à rien… Et toujours les mêmes qui continuent de se gaver sans que cela paraisse anormal. Ce qu’il y a de colère.