Vers le bleu

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J’ai déjà écrit sur le sujet, sur cette nécessité que la littérature laisse de l’espace, de la place à ses lectrices et lecteurs. Et c’est pour cela sans doute qu’elle m’est indispensable, vitale. Savoir où se placer dans un livre, s’y sentir mal ou bien, mais au moins s’y sentir chez soi. S’y sentir chez soi alors qu’on ne l’avait pas envisagé par exemple. Surtout cela. Élargir sa maison. Il y a cette dimension dans les chansons de Dominique A, pas toutes peut-être, l’homme est parfois trop prolixe, trop généreux ; il multiplie les propositions, fait des albums un peu longs à mon goût. Mais si certaines de ses propositions tombent à plat dans mes oreilles, d’autres me bouleversent… Le revoir sur scène seul, à Redon, le mois dernier. La sensation de retrouver quelqu’un d’intime et qui commençait à me manquer. Cette chanson par exemple, ce Vers le bleu qui tourne en boucle depuis plusieurs années dans ma tête. Parce que dans l’écriture de cet homme, il reste beaucoup d’espaces possibles, de recoins où se placer, d’images à s’approprier. Et là, sans que vous vous y attendiez, se révèlent à vous-même, c’est proprement miraculeux, des pans entiers de votre histoire que vous ne connaissiez pas. C’est finalement la chanson qui vous invente presque. Elle vient chercher des miettes de souvenir et y réinjecte d’autres matières premières, modifie les contours que vous connaissiez. Chaque fois, c’est une telle émotion… Ça ne creuse pas toujours au même endroit. Ça prend des détours. Dans le texte de Vers le bleu, cette volonté de grand-frère, ce comment va-t-il pouvoir être envisageable de le tirer d’affaire celui qui débloque, a envie de s’oublier pour un temps, afin de le ramener vers le bleu donc ? Des images multiples de réconforts que je n’ai pas eus, pas donnés non plus, des images de fêtes et de malaises, de marche en haut du mur où il faudrait peu pour tomber, cette envie de s’oublier forcément, faire une pause de soi, se déconnecter, envoyer tout à la poubelle, lâcher les chiens pour reprendre une expression juste qu’utilisait une de mes amies, il y a des années de cela. Et tout au long du morceau, cette course aussi. Musicale. Avec la basse qui entraîne tout, reprend chaque fois le même sillon. Toujours le corps en mouvement pour échapper à la mort. Cette obsession du mouvement. Il y a un décor si vaste dans cette chanson, de grands espaces. Et comme souvent chez Dominique A, ce sont les sensations, les teintes qui priment, les images. Il reste beaucoup de place pour accueillir votre intime. Dominique A est quelqu’un d’accueillant, de généreux. Et je l’en remercie du fond du cœur.

 

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