– Tourne-toi.
– Comme ça ?
– Oui, encore un peu, qu’on te voie bien. Autrement, les gens comprendront pas.
– C’est mieux ?
– Oui, c’est mieux, mais dépêche-toi, on va pas y passer la nuit. Dans dix minutes, la salle sera vide. Ils partiront et tu resteras là comme un con. Ils veulent voir, tu comprends. Ils ont payé, t’as pas le droit de les décevoir. Montre de quoi tu es capable.
– Alors j’m’assois juste en face d’eux, comme ça ?
– Oui, combien de fois il faut te le dire ? Compte pas sur moi pour faire le boulot à ta place. Après tout, si t’es là, c’est que tu le veux bien. Tu peux encore partir. Ils vont te siffler mais si t’as pas le courage, c’est mieux que tu te barres.
– Non non, je reste.
– J’préfère ça. Alors on y va maintenant. Ouvre la bouche en grand. Mais putain, mieux que ça ! Tu peux pas ouvrir la bouche plus grand ? Ça m’étonnerait, avec tout ce que tu t’enfiles, tu devrais avoir l’habitude !
– J’fais de mon mieux, tu sais.
– Ferme-la. Mais boucle-la, j’te dis ! Non, j’voulais dire tais-toi, mais ouvre la bouche. Bon dieu, ce que tu peux être con ! Allez, on y va. Tire sur ta langue. Et applique-toi, sinon t’arriveras à rien. Mais tire, t’as peur qu’elle te reste entre les mains ou quoi ! Voilà, comme ça. Eh ben c’est pas trop tôt. Ces messieurs dames commençaient à s’impatienter. Tu vois, il suffit de se donner la peine. On obtient des résultats. Elle commence à sortir, c’est bien, c’est très bien. Prends tes deux mains, ce sera plus facile. Allez tire, mais tire j’te dis ! Fais-la descendre maintenant. Oui, c’est ça, tout en souplesse. Fais-la descendre en dessous du menton. Encore un p’tit effort. Allez, en arrière maintenant, de toutes tes forces. Qu’elle fasse vraiment le tour de ton cou.
Benoît BROYART, 25 juin 2020