Il y a quelques années, j’avais proposé à Paola Grieco, alors responsable éditoriale de Gulf Stream éditeur, un nouvel abécédaire pour sa collection Et toc ! dans laquelle nous avions déjà publié un titre sur le développement durable, écrit avec Sylvie Muniglia, livre aujourd’hui épuisé, nommé Vers un monde alternatif.
Un abécédaire sur la folie… Rien que ça… Le but n’étant aucunement d’être exhaustif. Ne pas faire le tour de la question mais proposer quelques pistes.
Je l’ai retrouvé dans mes archives. Le livre n’a jamais existé parce que la collection s’est arrêtée. Mais le chantier était presque achevé.
Vous y piocherez peut-être des choses, ici ou là.
Aujourd’hui les lettres N à Z.
N comme Nefs des fous
À la fin du Moyen-âge paraît un long poème satirique intitulé La Nef des fous, écrit en allemand par le Strasbourgeois Sebastian Brant (1458-1521). Il est publié le premier jour du Carnaval de Bâle.
Ce texte comprend cent-douze chapitres construits sur le même modèle. À chaque fois, Sebastian Brant propose la caricature d’un type de travers appartenant à l’humanité. Illustré par le tout jeune Albrecht Dürer, ce catalogue des « folies humaines » devient rapidement l’œuvre la plus lue d’Europe. Brant y dénonce tous les vices. Les envieux, les vaniteux, les gourmands, les intrigants… Pour résumer, disons que sont réunis ici les hommes ayant tourné le dos à Dieu, les impies en somme. On est à l’aube du monde moderne, entre Moyen-âge et Renaissance. Et la folie, à cette époque, c’est plutôt ça. Les vices épinglés dans la Nef des fous plutôt que la description de véritables pathologies qu’on connaît encore assez mal et qui ne sont pas répertoriées. Pour Michel Foucault, la métaphore de la navigation utilisée par Brant est une évidence. En effet, on considère à cette époque en médecine que le corps est fait d’humeurs et de liquides dont le déséquilibre peut provoquer le désordre mental. C’est aussi simple que ça.
La Nef des fous, c’est également le titre d’un tableau très connu de Jérôme Bosch, peintre néerlandais ayant vécu à la même période que Brant. Le tableau faisait partie à l’origine d’un triptyque dont une partie a été malheureusement perdue. Si tu souhaites voir cette merveille de l’art de la fin du Moyen-âge, rien de plus facile. Il est exposé au Louvre. Bosch représente à son tour la folie telle qu’on la perçoit à l’époque, sur le même modèle que Sebastian Brant. Un des personnages a pris une grande louche pour ramer et les autres protagonistes ont des attitudes déroutantes. Bosch, comme Bruegel un peu plus tard, a souvent choisi de représenter une certaine forme de monstruosité dans ses tableaux. Placer tous les fous sur un même bateau se révèle un sujet en or pour lui.
O comme Origine
Le spectre de la folie est large. Des pathologies, il y en existe des dizaines. Et forcément, la dépression, la schizophrénie ou des troubles comme l’autisme entretiennent peu de points communs, si ce n’est celui d’exclure le patient touché d’une certaine forme de normalité dictée par notre société. Et cela pour longtemps ! Quand Barbara Yelnick écrit sur ses troubles bipolaires, elle évoque justement à l’instar du casier judiciaire, le « casier mental » qui suit le malade même après sa guérison.
Pour autant, on peut se poser quelques questions et trouver des réponses sur le sujet des origines de la folie. Ça s’attrape, la folie ? Où prend-elle sa source ? De quoi se nourrit-elle ?
On tâtonne encore. La psychiatrie est une branche récente de la médecine. Le terme est employé depuis le XIXe siècle seulement. Et le cerveau est loin d’avoir livré tous ses secrets aujourd’hui.
Faut-il penser, comme l’écrivain Régis Jauffret, que « toutes les familles sont des asiles de fous » ? Sans aller jusque-là, tout ce qui tient aux traumatismes de l’enfance, à la maltraitance familiale est indéniablement un terreau propice à l’apparition de certains troubles mentaux. Dans le film Histoires autour de la folie, un psychiatre explique par exemple que des mères très envahissantes sont à son avis en partie responsables de l’apparition de certaines schizophrénies. Ce type d’affirmations est difficile à vérifier.
La schizophrénie touche le plus souvent de jeunes adultes. Des études récentes montrent que certaines conduites addictives pratiquées entre autres par les adolescents, comme la consommation de cannabis ou d’alcool, favoriserait la survenue de la maladie. Eh oui, à ton âge, le cerveau est en plein mutation. Fais attention !
Un traumatisme peut être également à l’origine de l’arrivée d’un épisode de dépression. C’est facile à comprendre. Dans la vie, certains se retrouvent parfois devant des situations impossibles à gérer : accidents, attentats, guerre, etc. Et dans ce cas, la raison a de bonnes raisons de faire un grand pas de côté, non ? C’est le pétage de plomb.
Autrement, quid de la génétique ? Les travaux dans ce sens sont nombreux. Court-on plus de risques quand ses ascendants ont connu la maladie mentale ? Rien ne le prouve, même si on peut être considéré alors comme plus vulnérable. C’est un peu comme avec le cancer. Terreau favorable. Terrain favorable.
P comme Papotin
Sous-titré journal atypique, le Papotin est réalisé depuis 30 ans par les adultes autistes de l’hôpital de jour d’Anthony. Une expérience unique. Une expérience longue durée, certains participants appartenant à la rédaction depuis le début. 30 ans et 37 numéros, chacun tiré à 3 000 exemplaires, distribués par abonnement. Au Papotin, on prend le temps qu’il faut pour élaborer chaque livraison. Le rythme de parution n’est pas régulier.
Driss El Kesri, ancien professeur de français et chef du secteur éducatif de l’hôpital, a créé ce journal pratiquement sans moyen. Aujourd’hui, les papotins se réunissent chaque mercredi dans une salle située en haut du théâtre Lucernaire à Paris, élégamment nommée Le paradis, pour leur conférence de rédaction. Ensemble, ils débattent, écrivent, dessinent et interviewent également les personnalités qu’ils ont souhaité inviter. En 30 ans, Barbara, Jacques Chirac, Mireille Mathieu, Renaud, Monseigneur Gaillot ou encore M sont passés par là.
Le Papotin est un joli bateau capable de porter le besoin d’expression qui s’agite ferme chez tous les rédacteurs. Les textes proposés sont souvent étonnants et forts. Et c’est peut-être parce que les autistes ont des difficultés à contrôler et à communiquer leurs émotions que les lignes jetées ici possèdent une beauté déconcertante. La philosophe Julia Kristeva résume bien la démarche du journal : « Le Papotin réussit là où le lien social échoue : à faire résonner le singulier. »
C’est vrai qu’en lisant certains des poèmes proposés, on est touché, soufflé même par les libertés que prend la parole mise en jeu ici. Grand bien nous fasse !
« … Mer en mer
Dis-moi le nom
De la fille que je tenais
À la voix rauque
De marin amoureux… » (Robert)
P comme Paranoïa
Arrête ta parano, veux-tu ? Ce n’est pas croyable, tu penses vraiment que le monde entier t’en veut ! Si le terme parano appartient au langage courant, la paranoïa fait bien partie des psychoses les plus graves et le sentiment de persécution qui affecte celui qui en souffre peut aller loin, jusqu’à des délires très profonds. Le problème dans ce trouble de la personnalité, c’est que le délire qui s’installe ici est systématisé. Le patient ne perd jamais la clarté de sa pensée. Il n’y a pas de confusion mentale mais une construction étonnante et des convictions inébranlables. Le paranoïaque a réponse à tout et sa logique est infaillible. Il ne raconte pas n’importe quoi. D’ailleurs, il peut le prouver. Le sujet perçoit parfaitement la réalité qui l’entoure. Mais c’est l’interprétation qu’il fait de cette réalité qui se révèle problématique. Vous comprenez bien, docteur, que je suis surveillé de près. Ce matin, en sortant de chez moi, les quatre passants que j’ai croisés sur le trottoir ont levé les yeux sur moi. Si vous croyez que je suis dupe. C’est bien la preuve qu’on me surveille, non ?
Dans ses mémoires joliment titrées Des hommes comme nous, le neuropsychiatre Henri Baruk (1897-1999) voit la paranoïa comme « la peur cachée derrière la haine. » C’est pour ce médecin un des troubles les plus ardus à diagnostiquer. « Le vrai paranoïaque est celui qui vous range parmi ses persécuteurs même si l’on ne songe qu’à le défendre. Ainsi fait-il la meilleure démonstration de sa maladie. »
La paranoïa est d’autant plus difficile à détecter qu’elle peut faire partie également des symptômes d’autres troubles liés à l’anxiété, au stress ou à la dépression.
Tu le constates ici, les diagnostics en psychiatrie sont parfois difficiles à établir. Et les erreurs sans doute fréquentes. Compte tenu des conséquences possibles (internement, traitements inadaptés), j’avoue que ça fait un peu peur. Comme l’écrit encore Baruk, quand il fait le bilan de toute une vie de pratique de la discipline, « … pour faire de la vraie psychiatrie, il faut de l’humilité et surtout le recul du temps. »
P comme Passion
Quand Blaise Pascal (1623-1662) écrit dans ses pensées « Le cœur a ses raisons que la raison ne connaît point. », il ne parle pas d’amour mais de religion. Il oppose la foi (aveugle) à la raison. Heureusement, tu auras sans doute remarqué que les citations tirées de leur contexte pouvaient être utilisées un peu n’importe comment, autrement dit comme cela t’arrange, même si c’est un peu malhonnête, non ? Celle de Pascal, en tout cas, est très célèbre et te permettra de passer pour un être cultivé en société !
Je t’aime comme un fou. Je t’aime à la folie. Tu me rends dingue. Le vocabulaire de l’amour se trouve lié de près à celui de la folie. Mais au niveau psychiatrique, peut-on réellement être fou d’amour ?
À en croire la nature de l’affection qui touche certains malades, on affirmera qu’il semble plus aisé d’être folle d’amour que fou d’amour. En effet, l’érotomanie, ce délire passionnel chronique centré sur l’illusion d’être aimé par une personne, le plus souvent inaccessible, touche cinq fois plus souvent les femmes que les hommes. Et si tu veux voir de quoi il retourne précisément, je te conseille de regarder Anna M, fiction tournée sur ce sujet par Michel Spinosa en 2007 avec dans le rôle de l’érotomaniaque une Isabelle Carré plus que convaincante, persuadée que son médecin est amoureux d’elle.
L’érotomanie est une psychose caractérisée par une évolution en trois phases. Phase une : l’espoir. Le malade pense que la personne sur laquelle elle a cristallisé son envie va se déplacer vers elle. Mais rien ne se passe, forcément. Phase deux : le dépit amoureux. Une peine profonde saisit l’érotomaniaque et le malade peut aller jusqu’à se suicider. Et cela se corse encore, si le malade est toujours de ce monde bien sûr. Phase trois : la rancune. L’érotomaniaque va devenir agressif vis-à-vis de l’objet qu’il désire. Persécution et passages à l’acte très violent. Dans certains cas, cela peut aller jusqu’au meurtre.
Vedette de cinéma, auteur célèbre, sportif de haut niveau, sache enfin que la personne persécutée par l’érotomaniaque est souvent d’un rang social supérieur.
P comme Psychose
Le terme de psychose a été employé pour la première fois en 1844 par le psychiatre autrichien E. Feuchtersleben dans son cours de pathologie mentale. Il désigne une maladie mentale grave qui atteint la globalité de la personnalité du patient et entraîne, le plus souvent, une nécessité de soin contre son gré. Absence de la conscience des troubles, étrangeté de ces derniers pour l’entourage et difficulté de communication pour le malade. Repli sur soi-même. Dans la psychose, c’est la relation que le patient entretient avec la réalité qui pose problème.
La schizophrénie ou la dépression font partie des psychoses, mais cette « famille » de maladies est bien plus vaste et englobe un grand nombre de maladies pour lesquelles il est parfois périlleux d’établir un diagnostic précis. C’est d’ailleurs l’une des grandes difficultés en psychiatrie, d’autant qu’il arrive aux schizophrènes de sombrer dans la dépression par exemple ou que le délire affectant certains patients peut appartenir à différentes pathologies. Ce sont parfois des écheveaux très complexes à démêler. Et comme l’établissement d’un diagnostic peut aboutir à un internement, mieux vaut ne pas se tromper.
Sigmund Freud (1856-1939), considéré comme l’un des initiateurs d’un nouveau type de psychothérapie au début du XXe siècle, la psychanalyse, a montré l’importance de l’inconscient dans le comportement humain. Après s’être intéressé aux effets de la cocaïne, à l’hypnose et à l’hystérie (suite à sa rencontre avec Charcot), il a travaillé longtemps sur les différences existant entre les névroses et les psychoses.
Névrose et psychose sont en effet couramment opposées. Dans la névrose, le sujet est conscient de la maladie mentale qui le touche. Troubles anxieux, obsessions, hypocondries, voici quelques exemples d’une panoplie qui toucherait près de 12 % de la population. Pour reprendre un lieu commun. Disons que nous sommes tous un peu névrosés. Pourquoi ? Pas toi ?
Q comme Qât
La nature offre un grand nombre de plantes psychotropes (qui modifient le fonctionnement du cerveau) et parfois même hallucinogènes (alors là, c’est plutôt flippant, puisque tu vois devant toi des choses qui n’existent pas). Ces végétaux sont par exemple utilisés à des fins rituelles, comme le peyotl que les indiens Tarahumaras du Mexique ingèrent pour entrer en communication avec les esprits. La feuille de coca est, quant à elle, employée comme stimulant et comme médicament depuis l’empire Incas. Un petit moment déjà donc… Et les magic mushrooms (champignons magiques), qui poussent en rangs serrés sur les bouses de vaches (je te souhaite bon appétit), ont fait les délices des hippies à une époque, des femmes et des hommes très proches de la nature vivant au siècle dernier, grands experts en termes de substances qui font trembler la cervelle…
Mais sais-tu que du côté de la péninsule arabique, au Yémen plus exactement, on cultive depuis le XIIIe siècle un arbuste nommé qât ou khat. On récupère et on mâche ses petites feuilles quand elles sont vertes (moins de quarante-huit heures après la cueillette) une bonne partie de la journée. Au Yémen, c’est comme ça. On passe une grande partie de sa vie à chiquer. Voilà pourquoi des dizaines de milliers d’hectares sont dédiés à cette culture dans le pays. Les surfaces dévolues au qât représentent en effet 30 % des terres arables et cet arbuste fait vivre environ 200 000 personnes, soit 15 % de la population active. Au Yémen, l’achat de qât représente 1/5e des dépenses de consommation des ménages.
Les feuilles de l’arbuste contiennent des substances qui rendent la plante proche des amphétamines. La plupart des hommes, un nombre croissant de femmes et même des enfants de moins de douze ans chiquent le qât. Cette véritable « passion verte » est un exemple unique au monde. Dans certaines habitations, il existe même une pièce consacrée aux séances de chique collective qui peuvent durer trois ou quatre heures. Moi, j’hallucine quand j’apprends ça. Non enfin, ce sont les yéménites, plutôt… qui hallucinent…
Pour le gouvernement, le qât est devenu un sacré problème de santé publique. Euphorie, hallucination, concentration, paranoïa et anxiété, les effets psychologiques provoqués par la plante sont loin d’être anodins. Un autre effet également, qu’on avait oublié de calculer. Les problèmes liés aux pesticides. Eh oui. Parce qu’en mâchant, les yéménites en avalent à longueur de journée. Alors à quand, le lancement du qât bio ?
R comme Raison
Au XVIIe siècle, René Descartes (1598-1650) pose les bases de la philosophie moderne avec sa fameuse formule « Je pense, donc je suis » (Cogito ergo sum, c’est encore mieux en latin). Le philosophe et mathématicien impose un style de pensée par « idées claires et distinctes ». L’homme devient son propre maître, libéré de toute pensée religieuse ou politique. Le bouleversement est de taille. Il a des répercutions importantes sur la façon dont on va considérer dorénavant la maladie mentale.
Depuis cette époque, on oppose en effet la raison, cette faculté attribuée à l’être humain qui lui permet, entre autres, de distinguer la vérité du mensonge, de diriger, de prendre des décisions, à la folie. Le fou est celui qui ne dispose pas de sa raison. La folie est devenue l’antithèse de la sagesse, en quelque sorte. Et si l’on pousse plus loin, cette conception fait bien du fou un être humain à qui il manque une partie de ses facultés.
Michel Foucault expose ce bouleversement longuement dans son Histoire de la folie à l’âge classique : « La folie devient une forme relative à la raison, ou plutôt folie et raison entrent dans une relation perpétuellement réversible qui fait que toute folie a sa raison qui la juge et la maîtrise, toute raison sa folie en laquelle elle trouve sa vérité dérisoire. Chacune est mesure de l’autre, et dans ce mouvement de référence réciproque, elles se récusent toutes deux, mais se fondent l’une par l’autre. »
Avec Descartes, la folie change donc de statut définitivement.
S comme Schizophrénie
Puisque Jeanne d’Arc entendait des voix, on peut se demander si elle n’était pas schizophrène, les hallucinations auditives faisant partie des symptômes courants de cette maladie mentale, même s’il a fallu attendre le début du vingtième siècle pour que cette dernière soit nommée et diagnostiquée précisément.
On pense souvent que le schizophrène a deux personnalités, un peu à la manière du Docteur Jekyl et Mister Hyde de Stevenson. Mais ce trait ne suffit pas à définir la maladie et entretient même une confusion coriace. Car la schizophrénie entraîne davantage une fragmentation de l’esprit qui mène le patient à entretenir des rapports délirants avec la réalité. Durant des périodes de crises psychologiques, le schizophrène entend des voix dans sa tête, aperçoit des éléments qu’ils pensent réels mais qui n’existent pas. Face à la pression intolérable qui semble s’exercer en lui, on comprend aisément qu’il ait du mal à communiquer.
Les écrits des malades sont, à ce titre, très éclairants. Ainsi dans un texte qui date des années 50, paru sous le titre Journal d’une schizophrène, Renée tente de capter quelques-unes de ces perceptions : « Pendant toute la visite de mon amie, j’essayais désespérément de rentrer en contact avec elle, de sentir qu’elle était vraiment là, vivante et sensible. Or il n’en était rien. Elle aussi faisait partie de ce monde irréel. Je la reconnaissais pourtant bien. Je savais son nom et tout ce qui la concernait, et pourtant elle me paraissait étrange, irréelle, telle une statue. Je voyais ses yeux, son nez, sa bouche qui parlait, j’entendais le son de sa voix, je comprenais parfaitement le sens de ses paroles, et pourtant je me sentais en face d’une étrangère. »
La schizophrénie est plus fréquente qu’on ne le pense. Elle touche environ 600 000 personnes en France et près de 24 millions dans le monde.
Récemment, la médecine a fait beaucoup de progrès concernant cette maladie. À condition de prendre un traitement neuroleptique à vie, certains patients parviennent à être stabilisés et ne connaissent plus d’épisodes de crises psychologiques aiguës. On évite leur hospitalisation systématique. De nombreux malades vivent ainsi hors des hôpitaux.
S comme SDF
Les chiffres sont accablants. Un tiers des SDF souffrent de troubles psychiatriques sévères. Ce sont donc environ 50 000 malades mentaux qui déambulent dans les rues, sans prise en charge adaptée. Troubles anxieux, trouble de l’humeur, de la personnalité mais aussi troubles psychotiques (dont une part importante de schizophrénies).
Mais depuis 25 ans, devine combien de lits on a fermé en psychiatrie pour faire des économies ? Environ 50 000. Le lien est facile à établir. Terminé, en effet, la prise en charge longue durée des indigents. La notion de protection que renfermait le terme « asile » est bien loin. Il faut faire vite, privilégier les traitements courts. Après un épisode de crise, à peine remis sur pieds, les patients qui viennent de la rue sont donc souvent rendus à la rue. Sur le trottoir, consommation de stupéfiants, prise de médicaments, alcoolisation massive. N’oublions pas que l’alcool est malheureusement à la fois un liant social et un anesthésiant. La voie est sans issue.
Attention, tous les SDF ne souffrent pas de troubles mentaux. Simplement ces naufragés, comme les nomme l’anthropologue Patrick Declerck qui a passé quinze ans aux côtés des clochards de Paris, ont souvent des profils de vie qui rendraient fous les êtres humains les plus solides. Ils vivent l’enfer depuis très longtemps, ont subi la plupart du temps des enfances catastrophiques : maltraitance, défaut de scolarisation, maladie mentale affectant déjà les parents. Tout ça forme un terreau fertile pour révéler les troubles de la personnalité.
Psychiatre et chef du service Santé mentale et Exclusion sociale du Centre hospitalier Saint-Anne, Alain Mercuel explique que certains SDF refusent l’aide qui peut leur être apportée parce qu’ils ne sont pas en bonne santé mentale. Il semble en effet impossible de comprendre leurs réactions sans connaissance psychologique.
S comme Syphilis
La syphilis, connue un temps sous le nom de vérole française, gale napolitaine ou encore maladie espagnole – c’est dire si l’on se dispute sur l’aire géographique qui a vu naître cette infection par la terrible bactérie tréponème pâle – est une maladie sexuellement transmissible qui a connu plusieurs vagues d’épidémies au long de l’histoire. Difficile de dater son apparition.
Le roi François 1er souffrait déjà de cette maladie. Il était surnommé « le vérolé » par Rabelais et Gaspard de Saulx, maréchal de Tavannes, disait : « Alexandre voit les femmes quand il n’a point d’affaires, François voit les affaires quand il n’a plus de femmes. »
Si en France, la syphilis avait presque disparu, les dernières statistiques font état de son retour sur le devant de la scène.
Dans l’imaginaire collectif, la syphilis occupe une place à part. On pense que tous les malades infectés finissent par devenir fou. En réalité, seuls environ 10 % des malades non traités développent la « syphilis qui rend dingue », disons plus médicalement la neurosyphilis. Le cerveau est alors atteint et le malade perd progressivement la raison. Augmentation de la libido, hallucinations, si ces symptômes ne sont pas systématiques, ils existent bel et bien. C’est ce que raconte Guy de Maupassant dans Le Horla. L’écrivain est mort d’ailleurs de cette infection, à l’âge de quarante-deux ans seulement. Au XIXe siècle, cette maladie a provoqué une hécatombe chez les artistes. Flaubert, Gauguin, Manet, Daudet, Toulouse-Lautrec, Baudelaire, Schubert et probablement Nietzsche, Schumann.
Aujourd’hui, il existe des traitements antibiotiques efficaces contre cette maladie. Mais la difficulté reste de la détecter à temps. En effet, les différents stades d’évolution de l’infection s’étalent sur plusieurs années. Alors inutile de prendre des risques. Artistes dans l’âme ou pas, sortons couverts !
T comme TOC
Il ne faut pas confondre le tic, mouvement compulsif et involontaire pouvant entrer dans les symptômes de certains troubles mentaux, et le TOC (Trouble Obsessionnel Compulsif), dénomination moderne de ce qu’on a longtemps appelé des manies. Enfin le TOC, c’est plutôt quand la petite manie qu’on a tous mis en place, ou presque, pour se rassurer, se fait de plus en plus envahissante et franchement irrépressible.
Pour définir et diagnostiquer le TOC, on doit prendre en compte deux éléments : les idées obsédantes et les actes répétitifs. Jusque-là, on peut rester dans la normalité. Il y a par exemple un grand nombre de gens qui se lavent régulièrement les mains pour éviter d’attraper des maladies. Mais il y a aussi des personnes qui se nettoient 50 ou 100 fois les mains par jour afin d’être certaines d’écarter tout risque de contamination. Difficile finalement de savoir quand on devient véritablement « toqué ».
Si le « toqué » met en place une action rituelle, censée le rassurer et calmer ses idées obsédantes, le résultat auquel il arrive, justement à cause des ses obsessions, est nul. Certains TOC impliquent par exemple des vérifications incessantes. La porte est-elle bien fermée ? Je vais le vérifier. La porte est-elle bien fermée ? Je vais le vérifier. Oui mais la porte est-elle bien fermée ? Je vais le vérifier. Ça va durer encore longtemps ?! Le malade ne sera jamais sûr, finalement, que la porte soit bien fermée.
Le TOC, qui appartient à la famille des troubles anxieux, touche aussi bien les hommes que les femmes. Il apparaît généralement lors de l’enfance ou un peu plus tard, chez le jeune adulte.
T comme Tueurs en série
Les tueurs en série sont-ils tous des barbares ? Oui. Mais pour autant, sont-ils fous, au sens où la psychiatrie le détermine. Eh bien pas forcément.
Stéphane Bourgoin, spécialiste français des serial killers – il a publié plusieurs ouvrages sur le sujet et a recueilli la parole de plus de 80 tueurs en série aux Etats-Unis – rappelle que la plupart des tueurs en série sont des psychopathes et non des psychotiques. La nuance est plutôt importante. En effet, la psychopathie est un trouble du comportement et le meurtrier est le plus souvent reconnu responsable de ses actes. Ce qui n’est pas le cas d’un malade mental.
Frustration importante, désir de toute puissance et de contrôle sur sa victime, manipulation, le psychopathe présente une façade de normalité absolue mais il est incapable de ressentir de l’empathie ou de l’affect pour un autre être humain. Son cheminement, aussi horrible soit-il, est cohérent.
Dans un documentaire, un tueur en série américain explique par exemple qu’il avait pris l’habitude de sortir tuer quelqu’un dès qu’il avait envie de se disputer avec sa femme. Impossible pour lui de supporter cette perspective. Une terrible façon d’éviter les scènes de ménage !
Ce trouble permanent de la personnalité n’est ni une névrose, ni une psychose. Il se caractérise essentiellement par des conduites antisociales impulsives dont le sujet ne ressent pas de culpabilité. Instabilité et impulsivité, telles sont les ressorts de la psychopathie
2 à 3 % de la population peut être considéré comme sujette à des tendances psychopathiques plus ou moins marquées. Pour Stéphane Bourgoin, le petit chef qui terrorise ses employés à longueur de journées dans les bureaux est un psychopathe à col blanc.
Quand on s’intéresse à l’origine de ce trouble, on s’aperçoit que 95 % des tueurs en série ont eu des problèmes dans leur enfance. Maltraitance, abus sexuels et dysfonctionnements familiaux profonds.
U comme Unité pour malades difficiles
Depuis 1986, il existe quatre unités pour malades difficiles en France (Villejuif, Sarreguemines, Cadillac et Montfavet). Ces services spécialisés en psychiatrie admettent certains patients considérés comme dangereux. Les UMD présentent des points communs avec l’univers carcéral afin de prévenir tout risque d’évasion (murs, grillages, vidéosurveillance, etc.) mais ce sont des services hospitaliers à l’intérieur desquels évoluent psychiatres et infirmiers.
Sont accueillis dans ces unités les malades de catégorie 3, c’est-à-dire les grands déséquilibrés antisociaux, généralement médico-légaux (criminels ayant été reconnus non responsables de leurs actes, en état de démence lors du meurtre qu’ils ont commis, par exemple), pouvant présenter des réactions criminelles préméditées et complotées. La définition est on ne peut plus claire. Sont placés en UMD, de manière temporaire ou beaucoup plus longuement, les patients qui posent des problèmes lors de leur hospitalisation psychiatrique classique ou de leur détention en centre pénitentiaire.
Dans un reportage publié dans Le point en 1998, intitulé La nef des fous, le journaliste Jean-Marie Hosatte dresse le portrait de l’un de ses établissements, celui de Cadillac. Les témoignages des infirmiers sont édifiants. On garde là, enfermés, ceux pour qui la psychiatrie ne peut plus grand-chose, mis à part leur administrer des doses massives de médicaments pour les apaiser, les protéger d’eux-mêmes et protéger les personnes qui s’occupent d’eux. Il expose par exemple le cas de cet homme de 72 ans gardé en UMD depuis 1963.
Malgré les progrès importants de la chimie, de la psychiatrie et de la connaissance du psychisme de l’être humain, il reste toujours une part de folie qu’on ne semble pas pouvoir guérir. Une fraction irréductible de démence qui s’attache à l’humain et contre laquelle, on reste impuissant. Cette part de folie se nourrit, logiquement, de la société dans laquelle elle baigne. Elle s’actualise et c’est bien là le problème. Écoutons s’exprimer Michel Benzech, psychiatre, ancien médecin chef de Cadillac qui a esquissé le premier profil de Guy Georges, le tueur de l’Est parisien : « Nous allons découvrir des formes de violence extrême. Il nous faut maintenant accepter l’idée que la figure du serial killer à l’américaine va devenir de plus en plus fréquente dans nos faits divers. »
U comme Urgence
En 2005, le gouvernement français met en place un premier plan Psychiatrie et santé mentale, conscient des dysfonctionnements affectant le système psychiatrique dans l’Hexagone. Six ans après, la Cour des comptes rend un verdict assez mitigé sur l’offre de soins proposée aux malades mentaux.
Des contradictions sont pointées. Le recours à l’hospitalisation reste trop important. Surtout que le nombre de lits en psychiatrie en France a baissé. Résultat : les hôpitaux sont engorgés.
Mais l’une des situations les plus préoccupantes reste sans doute celle de l’univers carcéral. Sur 65 000 détenus en effet, plus d’un tiers souffre de pathologies psychiatriques et compte tenu de la surpopulation des prisons et du peu de moyens dont elles disposent pour faire face à de telles pathologies, c’est dramatique.
Enfin, la psychiatrie, de la même façon que la médecine générale, souffre d’une grande disparité territoriale. On ne sera pas soigné de la même façon sur tout le territoire et cette situation est inacceptable, contraire aux principes qui régissent le Service public.
Un nouveau plan Psychiatrie et santé mentale 2011-2015 a été mis en place. Ce dernier s’inscrit dans le cadre du Pacte européen qui reconnaît notamment que la santé mentale est un droit de l’être humain. Visant comme le plan précédent à améliorer l’offre de soins pour les malades mentaux, il a pour objectif de « donner à tous les Français une juste compréhension des enjeux d’une politique ambitieuse de santé mentale et d’offrir un cadre commun d’action à l’ensemble des acteurs engagés dans la lutte contre les troubles psychiques et la construction de réponses permettant d’envisager la vie avec et malgré ces troubles. »
V comme Vol au-dessus d’un nid de coucou
L’acteur Kirk Douglas achète les droits d’adaptation du premier roman de Ken Kesey, Vol au-dessus d’un nid de coucou, paru au début des années 60. L’auteur y décrit son quotidien dans les années 50 quand il travaillait au sein d’un hôpital psychiatrique. Kirk Douglas en tire une pièce de théâtre qui rencontre peu de succès à Broadway. Avec son fils Michael, il cherche ensuite qui pourrait bien écrire un film à partir de cette histoire à fort potentiel.
C’est Miloš Forman qui tournera, en 1975, Vol au-dessus d’un nid de coucou. La représentation qu’il donne à voir de la psychiatrie fait froid dans le dos, surtout quand on sait que le réalisateur a eu comme principale obsession durant le tournage de « capturer l’instant vrai ». Électrochocs, médicaments, douches glacées. Le spectateur n’est pas prêt d’oublier ce film bouleversant qui obtient cinq oscars en 1976 : meilleur film, meilleur réalisateur, meilleur acteur (Jack Nicholson), meilleure actrice (Louise Fletcher) et meilleur scénario. Rien que ça !
Gene Hackman et Marlon Brando sont d’abord pressentis pour jouer le rôle principal du film, celui de Mc Murphy. C’est finalement Jack Nicholson qui l’obtient, incarnant à merveille ce délinquant venu de l’extérieur, lâché parmi les fous.
Miloš Forman visite quatre hôpitaux psychiatriques. En Oregon, il finit par trouver un endroit qui lui semble adapté. Les acteurs du film racontent à quel point ils se sont immergés dans le lieu afin de trouver le personnage de fou qu’ils incarneraient. Certains expliquent qu’ils se sont situés un temps à la frontière et ont eu peur de basculer de l’autre côté. Il faut dire que Miloš Forman a tout fait pour donner à son long-métrage une force unique. Ainsi, les acteurs ont vécu un moment avec des patients de l’hôpital.
Et pour jouer le Dr Dean Brooks, qui dirige l’établissement dans Vol au-dessus d’un nid de coucou, devine qui Miloš Forman a choisi ? Le véritable directeur de l’hôpital psychiatrique.
Plusieurs scènes du film présentent les personnages évoluant dans des groupes de paroles thérapeutiques durant lesquels patients et soignants s’expriment sur un grand nombre de sujets. Pour les plans de ce type, Miloš Forman a laissé tourner la caméra parfois à l’insu des acteurs, dans un souci de saisir la plus grande part de vérité possible.
J’oubliais… Un dernier mot afin de t’éclairer sur le sens de ce titre pour le moins étrange, Vol au-dessus d’un nid de coucou. En anglais, cuckoo désigne bien un oiseau, le coucou, mais aussi une personne mentalement dérangée.
W comme Whisky
L’alcool est une drogue légale et très puissante, aux effets psychotropes, désinhibiteurs et antidépresseurs certains mais aussi aux effets secondaires désastreux. Boire n’est jamais bon pour la santé mais surtout, trop boire peut rendre fou.
Il existe par exemple des liens entre alcoolisme et dépression. On boit en effet avec excès pour différentes raisons. Cela peut être, par exemple, en espérant guérir des angoisses qui semblent ne pas vouloir quitter le fond de nos crânes.
L’alcool, s’il entraîne parfois une grave dépendance, est responsable d’un certain nombre de pathologies. On peut évoquer la famille peu sympathique des psychoses alcooliques. Boire, ça grille un peu les neurones. Ça altère plus que ça ne désaltère. Certains ont bu jusqu’à rayer leur cerveau de la carte, ou presque.
Mais le plus impressionnant et le plus terrifiant reste sans doute le delirium tremens. Le malade alcoolique, dans certaines périodes de manque, a des hallucinations. Il voit courir des lézards, des araignées et d’autres horreurs sur les murs de sa chambre. Dans son roman l’Assommoir paru en 1876, Émile Zola a utilisé les descriptions médicales qui existaient de ce trouble par souci de réalisme. L’assommoir, c’est la bouteille qu’on saisit pour oublier la dure réalité du travail ouvrier.
X comme Xanax
Les Français semblent indétrônables dès qu’il s’agit de prendre des tranquillisants. Un français sur cinq consomme régulièrement des anxiolytiques ou des antidépresseurs.
Et cela ne s’arrange pas avec l’âge puisque35 % des plus de 65 ans sont des consommateurs réguliers de ces substances psychotropes. Est-on plus stressé, déprimé, insomniaque en France que dans les autres pays du monde ?
Sur plusieurs molécules concernées, la benzodiazépine est la plus utilisée afin de traiter des troubles de l’humeur passagers. Elle est efficace pour chasser les angoisses mais présente un gros problème : elle peut entraîner une forte dépendance.
Benzodiazépine, quand tu nous tiens ! Le Xanax est par exemple un médicament prescrit couramment pour « corriger » les états d’angoisse. Mais il est également utilisé dans le traitement du delirium tremens. C’est du lourd ! Ses actions sont myorelaxante, anxiolytique, sédative, hypnotique, anticonvulsivante et amnésiante. Et une fois la médication arrêtée, pas sûr que les angoisses ne reviennent pas. On soulage mais se donne-t-on réellement les moyens de soigner ?
Bien sûr, il ne faut pas diaboliser les médicaments. La chimie a fait beaucoup de progrès au XXe siècle et certaines molécules permettent de « stabiliser » de nombreux malades mentaux, de leur permettre de mener une vie presque normale.
Mais le problème, en France notamment, c’est que 90 % des tranquillisants sont prescrits par des généralistes alors qu’ils devraient l’être par des psychiatres. A-t-on oublié le slogan de la publicité diffusée par le Ministère de la Santé il y a quelques années : « un médicament, ça ne se prend pas à la légère. » ?
Y comme Yoyoter (de la touffe)
Voici un texte un peu décalé qui flirte avec l’ordre alphabétique. Observe l’habile mise en abyme. Un abécédaire dans l’abécédaire. C’est dingue ! Tu trouveras donc ici quelques expressions courantes pour dire à quel point la langue française est riche pour dire à quel point nous sommes fous ou sur le point de le devenir.
Lundi, Antoine perd la boule. Mardi, Bernard fuit de la cafetière. Mercredi, Coralie pète un câble. Jeudi, Denise pète un boulon. Vendredi, Eugène perd les pédales. Samedi, Frédéric devient marteau. Dimanche, Gaston a une araignée au plafond. Et on recommence une nouvelle semaine. Lundi, Harold travaille du chapeau. Mardi, Iris a un grain. Mercredi, Josette yoyote de la touffe. Jeudi, Karl ne tourne pas rond. Vendredi, Luc n’a plus toute sa tête. Samedi, Martine est dérangée. Dimanche, Nadine est dingo. Déjà deux semaines que ça dure. Allez, c’est reparti. Lundi, Olivier est tapé. Mardi, Philomène est marteau. Mercredi, Quentin est siphonné. Jeudi, Raoul perd la boule. Vendredi, Solène bat la campagne. Samedi, Théodore bat la breloque. Dimanche, Ursule est maboule. Encore un petit effort. Presque un mois que ça dure, maintenant. Lundi, Virginie débloque. Mardi, Wilfrid est fada. Mercredi, Xavier est cintré. Jeudi, Yves est sonné. Vendredi, Zoé est cinoque.
Z comme Zürn Unica
Née en 1916 à Berlin, Unica Zürn vit en Allemagne jusqu’à sa rencontre avec le plasticien Hans Bellmer en 1953. C’est le coup de foudre. Elle s’installe avec lui à Paris. Les deux artistes resteront près de vingt ans ensemble, une liaison forte mais destructrice.
Aujourd’hui, le rayonnement de l’œuvre de celui qui fut son compagnon paraît plus évident. Bellmer était déjà reconnu de son vivant d’ailleurs. Il s’est rendu célèbre en proposant entre autres des sculptures réalisées avec des corps de poupées désarticulés puis recomposés et a illustré les récits les plus radicaux de Georges Bataille.
Après leur arrivée à Paris, Bellmer présente à Unica Zürn les membres du groupe des Surréalistes dont le plasticien fait partie. L’œuvre de l’artiste allemande, qui se compose de dessins, de peintures mais aussi de récits et de poèmes questionne sans cesse le corps, l’identité, le trouble, l’instable. Elle semble donc s’inscrire parfaitement dans la logique proposée par le groupe d’André Breton.
À partir de 1960, Unica Zürn développe des troubles schizophréniques. Elle fera plusieurs séjours en psychiatrie et réalisera d’ailleurs une partie de son œuvre durant ses hospitalisations.
L’Homme-Jasmin, son texte le plus connu, est le récit transposé de cette expérience. Elle s’exprime à la troisième personne mais c’est bien d’elle dont il est question. Son texte est sous-titré Impressions d’une malade mentale. Récits et poèmes se mêlent. Unica Zürn y consigne ses visions, sa perception du monde et explique aussi comment elle réalise ses dessins.
« Depuis toujours obsédée par les visages, elle dessine des visages. Après un premier moment où la plume « nage » en hésitant sur le papier blanc elle découvre la place dévolue au premier œil. Ce n’est que lorsqu’on la regarde du fond du papier qu’elle commence à s’orienter, sans peine, un motif s’ajoute à l’autre. »
Au début de sa vie d’adulte, Unica Zürn s’était essayé à l’écriture de nouvelles. Affectée par la schizophrénie, elle se prend dorénavant comme sujet principal de son œuvre.
Elle écrit : « La plus grande partie de ma vie, je l’ai passée à dormir, l’autre à attendre un miracle, à méditer sur l’inaccessible. »