C’était l’automne. Il restait encore quelques feuilles sur les chênes. Mais cette nuit-là, le vent souffla comme jamais. Tous les animaux de la forêt se cachèrent pour se protéger. Le ragondin rejoignit son terrier. Le hérisson fila sous un tas de brindilles et le mille-pattes se réfugia sous une pierre. Au matin, le vent se calma enfin.
Le hérisson était heureux. Il y avait un épais tapis de feuilles sur le sol. En cherchant un peu, il trouverait un abri parfait pour l’hiver. Il fut surpris de voir pour la première fois des feuilles très colorées. Des vertes, des rouges, des bleues. De quoi égayer son nid douillet. Et le mille-pattes, affamé, trouva ces drôles de feuilles à son goût.
Le lendemain, le ragondin et le hérisson se précipitèrent au chevet du mille-pattes. Leur insecte préféré était malade. Il avait mal au ventre.
— Je ne sais pas ce qui m’a pris. Ce sont ces feuilles. J’aurais dû me méfier. Je me suis intoxiqué.
Le ragondin, qui était un fin observateur et connaissait bien sa rivière, lui dit alors…
— J’ai regardé partout. Ces feuilles sont bizarres. Aucun arbre ne les a produites. Elles sont venues de plus haut ?
— De plus haut, demanda le hérisson, intrigué ?
— J’en ai déjà vu flotter dans ma rivière. Elle ont descendu le courant. Et là, avec le vent, elles sont allées partout. Une chose est sûre, nous devons nous en débarrasser.
Pendant que le mille-pattes se reposait, le hérisson et le ragondin allèrent chercher les autres animaux. Ils furent bientôt tous réunis, les gros comme les petits. Le cerf, le renard, le lièvre mais aussi le lombric qui était un grand amateur de feuilles mortes. Sans oublier les fourmis, capables de porter bien plus que leur poids.
C’est d’ailleurs une des fourmis qui prit la parole…
— Ces feuilles sont mauvaises pour la santé. Le ragondin a raison. Avec le vent, elles ont dû s’envoler et se mélanger aux autres feuilles mortes.
Tout le monde se mit alors au travail, chacun prenant part au nettoyage. Les petits animaux comme les gros. Grâce à leurs efforts, la forêt serait bientôt débarrassée de ces feuilles parasites. Le ragondin montra la direction à ses amis.
— Plus haut, il y a un long chemin noir. Je suis sûr que ça vient de par-là. Faisons d’abord un tas au bord de ce chemin et plaçons-le sous une grosse pierre. Nous trouverons une solution demain pour terminer notre travail. Il est déjà tard.
Quand les animaux se réveillèrent le lendemain, ils se rendirent près du grand chemin noir. Un miracle s’était produit. Le tas de feuilles colorées avait disparu. Les animaux furent étonnés.
— Ces feuilles, dit le cerf, appartenaient sans doute à quelqu’un. Il les avaient perdues. Il est venu les rechercher, voilà l’explication.
C’était l’automne. La forêt était joliment teintée de brun. Tout était rentré dans l’ordre. Et les animaux purent regagner leurs logis, rassurés.
Benoît BROYART